Cet article a été initialement publié dans Le Monde Civil, le journal de la Fédération suisse du service civil (CIVIVA), de novembre 2021. Vers l’article original
Le Bateau Genève est un lieu d’affectation atypique. Rencontre avec Alexandre Pellet, travailleur social, Giona Mazzuchelli, qui a effectué un an de service civil au Bateau, et Etienne Pugin, qui s’y trouve depuis un mois.
Quelle est la vocation de votre établissement ?
Alexandre : Notre vocation première est de réaliser un accueil social inconditionnel. Nous proposons des petits-déjeuners gratuits le matin et des repas le dimanche. Par ailleurs, le bateau a été racheté et rénové avec des personnes sans emploi. Depuis sa création en 1974, l’association a toujours suivi ce fil conducteur social. Il y a aussi un pôle buvette et évènementiel et un aspect patrimonial : le bateau date de 1884 et il faut l’entretenir.
Quel est le profil des civilistes en affectation chez vous ?
Alexandre : Les profils varient en fonction de nos besoins mais aussi des offres de civilistes. Pour de gros chantiers, il nous fallait des gens capables d’encadrer des stagiaires et nous avons trouvé un civiliste avec une formation de charpentier. Giona avait un profil de graphiste et il pouvait alors nous aider pour des affiches ou de la communication. Ce n’est pas son activité majoritaire mais c’est un plus. Par ailleurs, nous prenons des civilistes pour plusieurs mois. Comme beaucoup de gens viennent à l’accueil du matin, il faut du temps pour créer un lien, connaître le bateau et ses passagers.
Giona : J’avais eu une expérience en EMS par une précédente affectation et j’avais fait des colonies de vacances, donc je me suis toujours intéressé au milieu social. Suite à mon expérience sur le bateau, je me pose la question de continuer ou du moins d’intégrer l’aspect social dans ce que je fais par ailleurs. C’est aussi très enrichissant car on apprend beaucoup, par exemple en donnant notre avis dans les réunions.
Etienne : Je n’avais aucune connaissance de ce milieu. Je suis là depuis un mois pour mon affectation longue et j’apprends comment ça marche, c’est très différent du secteur de l’ingénierie civile où je travaille. Il y a beaucoup plus de réflexion, de discussion. J’aime bien certains côtés et moins d’autres.
Vous engagez donc des profils très variés, que vous amènent ces civilistes ?
Alexandre : Les civilistes amènent une vision différente, ce qui nous pousse à une certaine remise en question. Ce sont de belles rencontres, souvent des gens avec des valeurs que l’on partage. Ils s’investissent et mettent du cœur dans ce qu’ils font.
Giona, tu as déjà fait un an de service civil ici, as-tu un souvenir particulièrement marquant ?
Je faisais mon affectation longue qui devait durer six mois et je l’ai prolongée à un an. C’est dur de donner un souvenir en particulier. Je dirais que ce qui m’a marqué c’est d’être en contact avec les gens, de leur donner un peu de joie et de compagnie, pas juste à manger.
Etienne, tu as commencé il y a un mois, à quoi es-tu confronté de nouveau pour toi ?
On travaille avec des personnes précarisées, qui ont des problèmes dans leur vie. Là où je travaillais avant, je côtoyais des gens ordinaires. Ici, nous avons des personnes de tous les milieux, de toutes les origines. Ça demande une autre approche des gens. De même entre collègues, c’est aussi plus proche et chaleureux.
On entend parfois que le service civil est la solution de facilité. Est-ce une affectation facile par rapport au service militaire ?
Giona : Il y a une très belle ambiance mais c’est un lieu qui demande beaucoup d’énergie physique et mentale. On commence à 7h30 et il ne faut pas être en retard car les gens attendent devant le portail et ont faim. On est confronté à des situations difficiles, des gens écrasés par la vie ; cette période d’affectation me demandait 100% de mon énergie.
Etienne : Ce n’est pas comparable, on fait des choses tellement différentes de l’armée. J’ai l’impression que les CR sont parfois plus les vacances que ce qu’on fait ici. Et puis il y a aussi différents types de service civil.
Alexandre : Les civilistes chez nous sont confrontés à la précarité, à des gens qui n’ont aucun droit, qui dorment dehors et qui viennent manger ici le matin pour se réchauffer. Il y a une grande violence sociale dans ce qu’ils peuvent rencontrer ici.
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